Les vivants au prix des morts

René Frégni est l’auteur d’une quinzaine de romans, imprégnés de son expérience, aux limites de l’autobiographie. Il a exercé divers métiers, dont celui d’infirmier psychiatrique, et a longtemps animé des ateliers d’écriture dans la célèbre prison marseillaise des Baumettes. Il vit à Manosque. Son dernier roman, Je me souviens de tous vos rêves, a paru en 2016 aux Éditions Gallimard.

« Je ne sais plus qui a dit : « L’amour est une main douce qui écarte lentement le destin »… »

Mon avis

Un véritable coup de cœur pour moi que ce roman, empli de poésie, d’amour et de sensualité, et en même temps dans l’action, avec une histoire proche du polar et traitant du milieu carcéral. Un petit pas de plus vers une activité qui m’intéresse profondément, à savoir l’animation d’ateliers d’écriture dans les prisons. Et puis un petit peu de nostalgie, avec un retour à Marseille et dans les terres qui bordent la ville, géographie de mes 20 ans.

Quelques extraits

« Il y a près d’un demi-siècle, la jeunesse dont je faisais partie a cru qu’advenait enfin le règne de l’amour, de la générosité ; nous l’avons écrit sur tous les murs de nos villes. Celui de l’égoïsme triomphe partout. De l’égoïsme  et de la barbarie. Je ne me suis pas trompé, j’avais vingt ans… Je ne suis pas devenu cruel, ni avide de pouvoir, je suis devenu solitaire. J’observe les hommes, je fréquente les arbres. […]

Chacun de nous devrait commencer sa journée par un café et quelques mots dessinés sur un cahier rouge. Caresser chaque matin, juste avant le jour, la blancheur si douce d’une page, y tracer les contours de sa vie. Sentir le premier mot couler le long du bras, réchauffer la main, faire rouler le stylo entre les doigts. Voir apparaître une petite trace, quelques griffes d’oiseau sur la neige de la page. Profiter de cette blancheur, de ce silence, pour inventer sa vie. »

« Comment ai-je fait pour lire tout cela ? Et tous ces philosophes ?… Époque lointaine où j’étais convaincu qu’une vérité était planquée quelque part et que notre but, sur cette terre, était de la découvrir… Et puis j’étais tombé sur Giono : « La vie est un fruit, notre rôle est de le manger, vivre n’a pas d’autre sens que cela. » Je m’étais contenté de dévorer le fruit. J’avais oublié les leçons de morale. »

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