Dès son premier roman, Kiffe kiffe demain, la jeune Faïza Guène, repérée lors d’ateliers d’écriture durant lesquels elle a commencé par l’écriture cinématographique, s’est imposée comme une grande voix de la littérature française contemporaine, parlant de l’émigration et des cités sans cliché, sans voyeurisme ou désespoir.
Comme en témoignent les nombreux prix que l’auteure a reçus, les journées d’échanges auxquelles elle participe, Faïza se plaît à donner le goût de la lecture, voire de l’écriture, aux jeunes. Collégiens ou lycéens, ils aiment lire ses histoires, pour se divertir, s’identifier, s’enrichir et réfléchir.
Un homme, ça ne pleure pas, Fayard, 2014, 4e roman
Avec ce titre, j’ai découvert cette jeune auteure d’origine algérienne, ayant grandi en région parisienne, au cœur des quartiers, avec ce qu’ils ont de plus noir comme de plus riche de solidarités. L’histoire ? Né à Nice de parents algériens, Mourad aimerait se forger un destin. Son pire cauchemar : devenir un vieux garçon obèse aux cheveux poivre et sel, nourri par sa mère à base d’huile de friture. Pour éviter d’en arriver là, il lui faudra se défaire d’un héritage familial pesant. Mais est-ce vraiment dans la rupture qu’on devient pleinement soi-même ?
Quelques extraits
« – Ça n’a rien à voir. Je veux dire, il lui a quand même fait trois gamins ! Et puis, se caser avec un mec de la même origine que toi, avec les mêmes références, les mêmes codes, la même éducation, dans un couple, ça prive de beaucoup d’enrichissement. – Ou pas. Ça prive peut-être de beaucoup d’emmerdements. »
« Les joues de ma mère sont douces et encore bien rebondies. Ses rides, ce sont les lignes du livre qu’elle n’a jamais pu écrire. C’est l’histoire de sa vie qui se dessine dans le coin de ses yeux. Les plis sur son front, ce sont autant d’inquiétudes, d’attentes à la tombée de la nuit et de soucis de santé. Une mère, c’est comme un grand destin, c’est beau et c’est cruel. »
« « Mais pourquoi un homme, ça ne pleure pas ? » Il est parti sans que j’aie eu le temps de le lui demander. […] Désormais, il nous faut repartir de zéro. Mais c’est toujours la même rengaine : personne ne repart jamais de zéro, pas même les Arabes qui l’ont pourtant inventé, comme disait le padre. »
Du rêve pour les oufs, Hachette Littératures, 2006
L’histoire ? Alhème a 24 ans, un père qui a perdu la boule, un frère qui tourne mal, des petits boulots sous-payés, des copines mariées et un don pour attirer les ploucs. Dire qu’elle a tout pour être heureuse serait donc exagéré. Mais de sa cité d’Évry à son Algérie natale en passant par les cafés parisiens, elle ne peut s’empêcher de promener un regard amusé sur ceux qui traversent sa vie ».
Quelques extraits, des textes qui parlent
« Il y a foule ici. Ça me fait drôle de me trouver au milieu de cette effervescence, que j’observe comme si je n’étais pas là. Je regarde les gens passer, courir, flâner. J’ai le sentiment étrange que tous sont heureux sauf moi. On dirait qu’ils vivent, profitent, et me balancent leur joie à la figure, sans aucune pudeur. Évidemment, je sais que c’est faux mais à cet instant précis, j’ai du mal à m’en convaincre. C’est comme si tous ces gens avaient des tas de rêves dont moi je serais privée. Ils sont là en train de se balader, de me narguer. Je sais ce qu’ils essaient de faire, ils veulent me faire enrager. Eh bien, ils ont réussi. »
« Moi, je ne dis jamais « Je te présente toutes mes excuses », parce que si je les présente toutes, il n’en restera plus pour après, pour les trucs plus importants… »
« Alors elle m’a donné l’un de ses succulents dictons que j’ai emporté dans mes valises : « La planche de bois peut rester 100 ans dans le fleuve, elle ne sera jamais un caïman. » »
Kiffe kiffe demain, Hachette Littératures, 2004
« Une voix, celle d’une enfant des quartiers. Un roman plein de sève et d’humour. »
Quelques extraits
« Faudrait que j’adopte la technique Shérif : ça fait des années qu’il joue au tiercé et qu’il perd tout le temps, mais il continue. Il s’en fout. C’est peut-être ça la solution : garder toujours un petit espoir et ne plus avoir peur de perdre. »
« Adolescente, elle a dû hésiter entre catcheuse, CRS et dentiste. Ça a pas dû être facile pour elle de se décider mais elle a préféré celui des trois qui conjugue violence et perversité. C’était sans doute plus rigolo pour une psychopathe comme elle. »