David Lecœur, commissaire de l'exposition Magie noire, magie blanche

Magie noire, magie blanche au musée

David LecĹ“ur, historien de l’alimentation et commissaire de l’exposition « Magie noire, magie blanche » en Normandie, prĂ©sentĂ©e au musĂ©e de Vire Normandie d’avril Ă  novembre 2024, nous a fait l’honneur d’une visite privĂ©e.

« J’ai beaucoup travaillé sur les marchés aux bestiaux de l’Ouest de la France, et en travaillant sur ce thème, en préparant mon master, je suis allé de ferme en ferme et ai découvert de nombreuses anecdotes, aux relents de sorcellerie. En sociologie, je ne peux que parler de pensées magiques. Mon enseignante en ethnologie et anthropologie m’a recommandé de conserver les objets dont j’allais pouvoir faire quelque chose. »

En tant que prĂ©-doctorant, l’historien David LecĹ“ur travaille sur la mĂ©canique de la pensĂ©e magique du Bocage normand, de 1880 Ă  1980. La survivance de cette pensĂ©e magique traverse tous les âges, et reste immortelle de par les actes magiques au quotidien dans notre pays bocain.

« Vous allez voir le dĂ©pĂ´t d’une partie des collections de l’association de collectage du patrimoine immatĂ©riel en Normandie Les Blancs Montagnards, dont je suis le prĂ©sident. Au dĂ©part, ce sont des recettes de cuisine traditionnelles normandes. Puis, nous avons continuĂ© Ă  collecter selon la pure tradition. Nous travaillons avec deux autres associations, celle de Montviette Nature, à qui nous donnons pour transmettre, et une autre, le Serest, tenue par l’historien Hugues Berton, fil rouge pour ce qui touche Ă  l’ethnologie. »

Visite de l'exposition "Magie noire, magie blanche", par le commissaire, l'historien David Lecœur

Petit cadrage avant d'entrer

« Protéger les instants de la vie de chaque jour. »

« Les objets que vous voyez sont des objets de collectage, ils ne valent la peine d’être vus que parce qu’un instant de vie les accompagne, qu’il soit bon ou moins bon. Vous allez voir qu’un objet seul, sur le plan muséographique, présente peu d’intérêt. Je vais vous parler de la vie de certains objets, vous aurez tout loisir de revenir. Je ne peux aujourd’hui les présenter que sous les facettes de l’histoire, de la sociologie et de l’ethnologie. Je ne vais pas vous dire que le diable existe. Là, vous allez voir des éléments qui peuvent être perturbants, mais qui font partie de l’histoire de la construction de la pensée, et nous ne parlons malheureusement pas suffisamment dans les musées de l’histoire de la pensée au fil des millénaires. Tout ce que vous voyez ne représente qu’une strate, un millefeuille de savoirs. »

Dans les deux sociétés savantes dont David Lecœur fait partie, la société des antiquaires de Normandie et la société linnéenne de Normandie, et parmi ses collègues, figure Vincent Juhel, administrateur général de la société des antiquaires et responsable de projet de l’association Les chemins du Mont-Saint-Michel. Saint-Michel se pose comme un protecteur. Là, vous voyez un objet acheté au Mont-Saint-Michel vers les années 1900 et un magnifique vitrail, ainsi qu’une lanterne des morts, un objet utilisé au moment de la passation de la Toussaint, au mois de novembre, afin d’empêcher les morts de venir taquiner lors de cette nuit magique. À Aunay-sur-Odon, ville martyr complètement détruite durant la 2de Guerre mondiale, une lanterne des morts a été reconstruite après guerre, dans le cimetière. Il en existe dans bon nombre de lieux en France.

« Nous sommes dans la section destinée à se protéger des maléfices. Et vous allez comprendre que cela se trouve d’une absolue nécessité, partout dans le monde, pas seulement dans le Bocage virois. Le fil rouge reste le même, il faut se protéger des manifestations néfastes tout autour de nous et tout au long de sa vie. »

Gros sel, eau bénite, laurier, buis, prières, etc. Tout ceci date de fort longtemps et reste vivant dans les maisons. Quart, fenêtre, cheminée, pour protéger les lieux de passage. Chez nous en Normandie, encore des fermes dans lesquelles on va ferrer la cheminée, tout en ajoutant une croix en fer forgé. Au dernier souffle, l’esprit sort par la bouche pour partir dans l’âtre, et enfin être accueilli par l’archange psychopompe Mickaël, qui emmène l’âme. Ces objets collectés dans les fermes du Bocage constituent une représentation de ce qu’est la vie de l’homme, de sa naissance jusqu’à sa mort, de sa mort vers l’au-delà, du temps liturgique du XIXe et du début du XXe siècle, de l’Avent jusqu’au 15 août.

Le Malleus Maleficarum, l'ouvrage le plus violent et exécrable que l'on puisse trouver

Nuire, jeter des sorts, faire le mal

L'objet le plus violent que l’on connaisse

Cartes, tarots et stalle d'église

Lire l'avenir par la divination

Almadel, boule de cristal, cartes

Malle de radiesthésie, planches d'anatomie, homéopathie et traités médicinaux

Collectage, retrouver par l'objet

Malle de radiésthésie et colportage

La magie dans la nature

Déchiffrer le monde

La magie dans la nature

Déchiffrer le monde avec la divination

Observer le ciel, l’eau, le vol des oiseaux, … constitue la base de pratiques divinatoires aussi anciennes que l’humanité. Des pendules, un livre, l’un des collectages les plus importants de l’association, se greffe à l’image d’une carte postale. Ce n’est pas un bouquin, mais un pendule.

« Cette femme, au pied d’une église, parlera par le biais d’un système binaire, oui ou non. Le code est ainsi fait pour donner l’information. En 1900 ou 1920, le jeu de 52 cartes permettait à la ménagère de tirer les cartes, de prédire des choses bénéfiques grâce à la réussite. Le tarot traditionnel de Marseille ne viendra que beaucoup plus tard. »

Ce pendule de laiton, sous la forme d’un fer Ă  souder, Ă©tait utilisĂ© par les radiĂ©sthĂ©sistes de l’ArmĂ©e pendant la 1re Guerre mondiale. À Aunay-sur-Odon, ville martyr, des lustres Ă  pampilles ont pu ĂŞtre rĂ©cupĂ©rĂ©s, « je va t’en faire des pendules ». L’exposition prĂ©sente Ă©galement trois miroirs magiques, trois pièces extraordinaires, dont un rarissime, l’almadel, un système que l’on retrouvait chez les banquiers notamment, pour surveiller les allĂ©es et venues. L’almadel, on connaĂ®t ce type de construction depuis l’AntiquitĂ©. Il s’agit du système de la boule de cristal, pour prĂ©dire l’avenir, qui consiste Ă  se placer en auto-hypnose, pour dĂ©crocher avec son inconscient et rĂ©vĂ©ler un prĂ©sage. La grand-mère prĂ©dit la vie de sa petite-fille, Ă  l’âge de douze ans seulement, avec deux cheveux. Et sa prĂ©diction se rĂ©vèle.

PrĂ©sentĂ©e comme un vĂ©hicule, la stalle d’Ă©glise se compose d’une installation d’un miroir Ă  fond noir avec deux bougies, un système mĂ©canique connu depuis le XVIIe siècle pour sonder l’âme, en se mettant en transe par le pouvoir de la divination.

La magie dans la nature

Dans la section suivante, l’exposition traite du thème de la magie dans la nature. Le public y va de ses suppositions, thym, romarin, laurier, menthe, verveine ou sauge. Puis le confĂ©rencier explique que, sur le plan botanique, une extraordinaire pharmacopĂ©e existait. Dans le Bocage, les griffes de loup empĂŞchaient l’enfant de faire des cauchemars, glissĂ©es sous l’oreiller. Élixirs, Ĺ“ufs, histoire d’une sorcière, …

« Les œufs, ensemencés par la sorcière avec une litanie particulière, deviennent une arme et diffusent le mal dans la ferme. »

De la mĂŞme manière avec un vase, le mauvais sort le plus connu de Normandie se propageait Ă  travers une bouteille de lait contenant une racine de doche. Nouer l’aiguillette, pour porter un coup violent et dur et mettre l’activitĂ© Ă©conomique de la ferme Ă  l’arrĂŞt. Le système des eaux va porter le malĂ©fice, ç’a a Ă©tĂ© un miracle de retrouver cet objet patrimonial, puisque la plupart ont Ă©tĂ© dĂ©truits afin de stopper la propagation du mal.

Nuire, jeter des sorts, faire le mal

Puis, l’historien commissaire de l’exposition a prĂ©sentĂ© l’objet le plus violent que l’on puisse connaĂ®tre en Europe. Il en existe un seul, prĂŞtĂ© our l’occasion par le musĂ©e scriptorial d’Avranches, le plus exĂ©crable, le plus infernal ! Il s’agit d’un livre, le Malleus Maleficarum, le Marteau de sorcière, Ă©crit par des religieux, un ouvrage qui servira dans tous les tribunaux de la Sainte Inquisition. Au-delĂ  de l’histoire du cochon de Falaise, des milliards d’exemples atroces en Ă©manent, tout comme avec le TraitĂ© de la dĂ©lation et de nombreux autres ouvrages.

« Des possibilités illimitées de tortures que des hommes ont conçues pour le génocide des femmes. Monstrueux, ayant entraîné un cataclysme de morts.
La connerie humaine est ainsi figée, écrite par des religieux, et perdure dans des systèmes de pensées judéo-chrétiennes. »

Parmi ce panel d’objets, dont les scilles, rapportées du Portugal, qui étaient utilisées par une faiseuse d’anges auprès de Thury-Harcourt, ou un objet hommage au 80e anniversaire du débarquement, nous retrouvons un petit cercueil avec une plaque amovible qui contenait une balle. Une femme, accusée d’avoir comploté avec les Allemands en 1946, a reçu, via cette malle de colportage pour exorcisme, en forme de croix, une pensée magique, un message funeste. « Tu vas mourir », et en effet elle est tombée sous une rafale de mitraillette. Beaucoup d’objets utilisés en sorcellerie font l’objet d’un réemploi, pour exemple une poupée en carton, avec des aiguilles.

« Il fallait que cela reste dans l’eau ou l’alcool, comme la racine évoquée auparavant, car si l’élément maléficier ne pourrit pas, le maléfice continue d’irradier. »

Tuer ou soigner avec les thérapies magiques

L’une de nos collègues ethnologues, Jeanne Favret-Saada, démontre la mécanique de la pensée magique néfaste. Dans les années 60 à 70, l’auteure de Les mots, la mort, les sorts et Corps pour corps, enquête sur la sorcellerie dans le Bocage, entre autres, explique que la mécanique pour « faire crever l’autre » est simple.

Releveur d’estomac, toucheux de carreau, souffleur de feu, ils utilisent leur « don » pour soigner un type de maladie. MagnĂ©tiseurs, radiesthĂ©sistes, il sexercent contre rĂ©munĂ©ration une thĂ©rapie prĂ©sentĂ©e comme ayant des racines scientifiques. L’histoire du père Marie, envoyĂ© au tribunal correctionnel puis emprisonnĂ© pour meurtre, Ă©taye la citation.

« La sorcellerie est fille de la misère. »

Collectage, retrouver par la voix ou l'objet des traditions millénaires

Enfin, avec le colportage, la visite commentĂ©e de l’exposition s’achève sur les valises de colporteurs, la malle de radiesthĂ©sie et l’absorbeur d’ondes nĂ©gatives. Deux frères de la rĂ©gion de Vassy effectuent, avec leur valise, le mĂŞme trajet, Ă  quelques mois d’intervalle. Le passage obligatoire de l’exorciste doit avoir lieu après celui de la valise de l’escroquerie…

Dans la malle de radiesthĂ©sie, des planches d’anatomies, des traitĂ©s mĂ©dicinaux, des fioles et traitements d’homĂ©opathie, etc. Puis, encore un petit rappel du 80e anniversaire du DĂ©barquement de Normandie, une valise de châtelain rĂ©utilisĂ©e par un prĂŞtre exorciste.

Le modèle homĂ©ostatique d’absorbeur d’ondes nĂ©gatives a Ă©tĂ© dĂ©branchĂ© du 110 V dans la rĂ©gion de Villers-Bocage. L’exploitant agricole avait achetĂ© cet objet Ă  un praticien en gĂ©obiologie de Rennes. Ce curieux appareil absorberait les ondes nĂ©gatives ou neutraliserait les ondes telluriques. Il est restĂ© pendant quarante ans branchĂ© sur secteur dans un vestibule proche de la salle Ă  manger, Ă  l’abri des regards. Un vĂ©ritable système autonome en thĂ©rapie magique !

« David, le diable, c’est l’homme ! »

Micro-entreprise de communication aux nombreuses annĂ©es d’expĂ©rience.

Heures d'ouverture
Hébergeur français

© 2025 tous droits réservés